Les Mystères des Terres de l'Exil
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Nokomis
Nokomis
Date d'inscription : 16/07/2018
Messages : 8

Identité du personnage
Nom du personnage: Nokomis
Métier (MTERP): Artisan polyvalent

Nokomis Empty Nokomis

Mar 17 Juil - 18:53
Nokomis

Nokomis Luis_r10


► Picte.
► Vingt ans.
► Pratique l'animisme et le chamanisme.
► Chaotique neutre.
► Maîtrise différents dialectes pictes.
► Archère sans talent.
► Chasseuse-cueilleuse & apothicaire.


Thème musical :


— LES FRAGMENTS DE NOKOMIS —

Fragment I :  La plume au vent n’est pas plus libre que l’oiseau en cage.

Tes yeux…
Quoi mes yeux ?
Je sais qui tu es. Je n’ai jamais vu des yeux aussi bleus, il marqua une respiration avant de rectifier, je n’ai jamais vu d’yeux bleus en fait.

Nokomis prit un petit air exaspéré. Dans ces forêts où tous arboraient des yeux sombres comme la nuit, ses prunelles céruléennes faisaient figure d’exception et suscitaient bien souvent la fascination et la crainte. A sa naissance cela n’avait guère posé de problème puisque tous les nourrissons viennent au monde avec les iris azurés. Seulement, contrairement à ceux de ses semblables, les yeux de Nokomis ne s’étaient jamais dépourvus de leur myosotis. La vérité hurlait que sa naissance était le fruit d’un adultère, mais la réalité de la société et des croyances pictes attribua cela à quelque maléfice.

Ses yeux lui avaient valu d’être assez tôt marginalisée au sein de la tribu du Corbeau, à laquelle appartenaient ses présumés parents. Ces derniers assurèrent qu’un esprit malfaisant avait dérobé leur nourrisson ; que l’enfant n’était qu’un leurre pernicieux déposé à la place du bambin subtilisé. C’était une méthode couramment utilisée pour se débarrasser des enfants fragiles, difformes et déséquilibrés ; ou bien pour se préserver de la honte engendrée par la fornication avec un étranger.

Sahale de l’Ours peinait à détacher son regard de celui de Nokomis. Il en convint qu’il ne s’agissait pas que d’une question de couleur. Il y avait dans les yeux de cette fille une profondeur qu’il n’avait jamais croisée nulle part, et qui était si terrifiante qu’ensorcelante. Il y lisait très clairement un mélange singulier de détermination, de peur, d’insouciance et de fragilité. Elle le happait. Il secoua la tête.

—  Pourquoi es-tu ici ?
Les miens sont morts alors je suis partie. Tu n’crois quand même pas que je suis venue par ici par plaisir ?

Nokomis avait passé son enfance et son adolescence au sein d’un groupe de parias, sans clan et voués à une extinction encore plus rapide que celle du Picte moyen, dont l’espérance de vie était déjà fort réduite. Elle avait grandi entourée d’autres qui, à son instar, avaient été rejetés par leur clan pour des raisons variées. Cela n’avait pas été une vie facile mais la jeune femme avait bénéficié de cette affection indéniable que les monstres savent s’accorder les uns aux autres. Elle y avait appris la survie et avait goûté à un certain bonheur qu’elle ne renierait jamais. Ses contacts avec le reste du monde se limitaient à des rencontres périodiques et irrégulières avec les quelques Pictes des tribus avoisinantes qui venaient à eux dans l’espoir de connaître leur destin ou de faire guérir leurs écrouelles.

—  Les tiens sont morts par ta faute.

Nokomis fusilla Sahale d’un regard douloureux, mais elle ne répliqua rien.

On dit que le chaman de l’Ours te recherche, que Jhebbal Sag lui a murmuré qu’il devait t’offrir à lui dans l’un de ses bosquets sacrés.

Sahale n’avait aucune envie de s’en prendre à elle. Elle avait cette innocence et cette fraîcheur inexplicables au regard de l’existence qu’elle avait menée ; cette douceur aussi, qu’il sentait quand bien même elle ne la manifestait pas. Elle était différente de ce qu’il avait imaginé. Les traits de son visage avaient conservé la rondeur de l’enfance. Elle était petite et frêle, mais dégageait une forte énergie. Il y avait quelque chose d’étonnant à ce qu’elle ait survécu si longtemps et en même temps cela sonnait comme une évidence dès lors qu’on se heurtait à l’intelligence malicieuse qui pétillait dans ses pupilles.  

Tu ne vas pas me livrer à lui, n’est-ce pas ? demanda Nokomis d’une petite voix anxieuse.
Je ne vais pas te livrer à lui, mais tu ne dois pas rester ici.

Elle opina simplement sans rien ajouter. Il lui faisait une immense faveur, elle lui coûterait peut-être la vie, puisqu’il s’opposait à l’un de ceux qui entendaient le seigneur des bêtes. Elle ne lui faisait pas encore confiance pour autant. Elle s’approcha de lui et se hissa sur la pointe de ses pieds nus pour déposer un léger baiser sur sa joue. Elle effleura son épaule de la main. Puis elle le contourna et commença à s’éloigner dans les bois, véloce et alerte. Il se retourna pour la regarder partir, hypnotisé par le balancement cadencé de ses hanches.

On te nomme « Plume au vent » par chez moi, dit-il en haussant la voix pour qu’elle entende,je trouve que ça te va bien !

Elle marqua un arrêt, statique mais onduleuse sur ses jambes graciles et flexibles. Son visage tourna lentement vers Sahale, électrisant son corps immobile de quelques vibrations.

« Plume au vent », répéta-t-elle avec amusement, c’est vrai que j’me sens souvent comme la plume au vent : libérée de toutes chaînes mais portée par un souffle indomptable et que je ne contrôle pas... En réalité, je me nomme Nokomis, la fille de la lune, car c’est sous ses rayons que je suis née.

Elle se mit à rire avec candeur, sans raison apparente. Sahale rit avec elle. Il fit un pas dans sa direction. Elle haussa un sourcil, circonspecte.

Laisse-moi venir avec toi, Nokomis, je te protégerai.

Il regretta sa proposition au moment même où les mots sortirent de sa bouche, mais ce regret se dissipa en une seconde et il ne l’éprouva plus jamais par la suite.
_________

Fragment II :  Certains remèdes tourmentent davantage que le mal qu’ils guérissent.

Akba-Atatdia marchait sur le sable d’un pas hésitant. C’était le début de l’après-midi et le soleil au zénith projetait sa lumière crue contre la plage déserte. Quelques nuages épars et cotonneux moutonnaient dans l’azur, mûs par le vent sec et froid qui déferlait sur la grève. Les ombres rapides des oiseaux de mer défilaient sur le sol pâle, se succédant et s’entrelaçant dans un ballet spontané ; leurs cris retentissaient depuis l’horizon, comme synchronisés parfaitement avec le flux et le reflux des vagues contre les rochers.

La première fois qu’il la vit, elle n’était qu’une silhouette perdue sur cette plage immense et désolée, une chimère aux contours fluctuants, un songe sur lequel la réalité n’avait aucune prise. Le chaman de l’Ours s’arrêta, tendu. Cela faisait quelques semaines que les Mitakwen -ceux qu’on avait exclus- s’étaient installés dans une grotte près du rivage, sur le territoire de l’Ours. Leur présence était tolérée parce qu’ils apportaient une aide spirituelle et médicinale à ceux dont le cas semblait désespéré. Surtout, ils bénéficiaient de la protection d’une femme nommée Wakanda dont on disait qu’elle était une fille de Jhebbal Sag et qu’elle était dotée de pouvoirs occultes. Elle avait d’ailleurs atteint un âge assez avancé, ce qui était pour le moins inhabituel chez un Picte.

Akba-Atatdia attendit que l’ombre vînt à lui. Il peinait à la distinguer car elle marchait avec le soleil dans le dos ; le contre-jour le contraignait à crisper les yeux. Elle n’était pas bien grande et avait cette démarche souple et désinvolte qu’ont les jeunes enfants. Elle ne portait qu’un petit pagne en peau, maintenu sur ses hanches par des liens de cuir qui en pressaient légèrement la chair au ton caramel. Sa chevelure de jais prenait des reflets rutilants à la lueur solaire. Lorsqu’elle fut face à lui, il s’attarda longtemps sur son visage. Quelques peintures ornaient sa peau d’arabesques blanches et de couleurs chaudes. Elle avait les yeux du même bleu que le ciel et que l’océan. Elle affichait un air rieur et frivole.

Tu ne devrais pas être seule ici, lui dit-il sur un ton moralisateur.
Où est-ce que j’devrais être, alors ?
En sécurité, avec les autres.

Elle lui répondit d’un rire amusé et commença à lui tourner autour pour l’inspecter avec une curiosité insolente. Il la suivit d’un regard sévère et incrédule.

Pourquoi t’es déguisé en ours ? finit-elle par demander.

Akba-Atatdia ne chercha pas à réprimer l’éclat de rire que cette question provoqua chez lui. L’incongruité de cette question avait réveillé chez lui une hilarité qu’il avait pensée perdue à jamais. La fille parut vexée quelques instants. Le chaman portait effectivement une peau d’ours sur la tête, comme il était de coutume. C’était un homme d’une trentaine d’années, à la peau et aux yeux sombres, au nez aquilin et aux lèvres fines. Il était vêtu d’une tenue assez complexe, mêlant différents ornements symboliques. Partout sur son corps, la peau imberbe était mouchetée de tatouages.

Je ne suis pas déguisé. Je suis le chaman de l’Ours. Le seigneur des bêtes m’a indiqué dans ses murmures qu’il me fallait trouver Wakanda. Mène-moi à elle.

Elle cligna des yeux, comme étonnée. Ses pupilles se détournèrent quelques secondes vers l’horizon et elle le contempla pensivement, le visage neutre. Akba-Atatdia observa les cheveux de la créature que le vent soulevait à intervalle régulier, dénudant ainsi sa nuque gracile et bien allongée.

Es-tu malade ?
Je le suis, répondit-il.

Il sentit soudain la main frêle se refermer sur son poignet, dans un geste doux et précautionneux. Elle releva son minois vers lui, souriant avec gentillesse. Il garda son air austère.

Viens, alors, Wakanda te guérira.

Il se laissa entraîner par elle. Elle marchait vite, contre la bise, et tirait sur son bras avec une fermeté qui compensait son manque de force. De toute façon, il ne chercha pas à y faire opposition. Elle dégageait un parfum agréable, de sable et de sel, de myrte et de cèdre ; que le vent portait jusqu’à lui pour en emplir ses narines.

Ils cheminèrent ainsi durant quelques minutes, jusqu’à atteindre la haute falaise au pied de laquelle mourrait la plage. Là, on distinguait clairement une large ouverture irrégulière, marquant le seuil d’une grotte. Quelques hommes armés de lances et d’arcs en gardaient l’entrée. Certains d’entre eux présentaient des particularités physiques, comme cet albinos dont le chaman croisa le regard vermeil ; mais la plupart étaient somme toute des Pictes normaux. La créature fit un léger signe et on les laissa pénétrer dans la cavité.

L’intérieur avait été aménagé en un campement de fortune, désordonné et chaotique. Quelques torches, fixées sur de hauts bâtons plantés dans le sol, diffusaient une lumière chaude sur les parois sombres et humides. L’excavation se divisait en plusieurs boyaux sinueux. Sa guide ne lui lâcha la main que lorsqu’ils furent arrivés dans l’antre où officiait Wakanda ; s’y s’entassaient pêle-mêle toutes sortes de babioles, de peaux, d’ossements de bêtes et d’ustensiles étranges. Des tentures éliminées couvraient la roche des cloisons. Sur un gros roc, au fond, quelques chandelles d’une cire grisâtre propageaient leur clarté vacillante. Wakanda était assise en tailleur à même le sol. Le chaman de l’Ours ne l’avait jamais vue et il la dévisagea longuement.

C’était incontestablement une vieille femme. Son visage buriné portait les stigmates du temps. Sa peau fripée avait la couleur bistrée habituelle des Pictes. Elle était vêtue d’une sorte de tunique blanche, peut-être de lin, qui était trop large pour son corps efflanqué. Son cou et ses membres ployaient sous la lourdeur d’une quantité innombrable de colliers et de bracelets. Elle releva vers eux ses prunelles de charbon. Akba-Atatdia y nota un vif éclat de tendresse lorsqu’elles se posèrent sur la jeune femme qui l’avait guidé.

Nokomis, mon petit oiseau, que m’as-tu rapporté aujourd’hui ?
Un type déguisé en ours qui veut se faire soigner.

Wakanda se mit à rire de bon coeur. Elle se releva pour venir leur faire face. Le chaman s’efforçait de garder son sérieux, mais un sourire avait discrètement effleuré ses lèvres.

Jhebbal Sag m’a envoyé à toi, Wakanda, pour que tu m’aides à guérir du mal qui me tourmente. Si tu y parviens, je ferai en sorte que le clan de l’Ours ne vous porte jamais préjudice, et vous pourrez rester sur notre territoire tant que vous le voudrez.
Quel est le mal dont tu souffres, chaman de l’Ours ? Bien qu’ils ne se fussent jamais croisés, la vieille femme l’avait aisément identifié.
Il y a de cela quelques jours, j’ai totalement perdu le goût de la vie. Je ne parviens plus à m’alimenter, même respirer me demande désormais de faire un effort.
T’a-t-on jeté une malédiction ?
Je n’en sais rien, mais je n’ai trouvé moi-même aucune solution et j’ai pourtant pratiqué de nombreux rituels.

Wakanda se racla la gorge. Elle sonda scrupuleusement son interlocuteur d’un regard grave, gardant le silence. L’enfant s’était éloignée pour s’adosser contre l’une des parois de la cavité, muette également.

Elle, Wankada pointa Nokomis d’un geste de la main, sera ton remède.
_________

Fragment III :  La chaleur du sang fait fondre la neige mais n’érode pas la roche.
   
L’après-midi, l’adret des monts d’Eiglophie baignait dans la clarté chaude et réconfortante du jour, bien que celle-ci fût intermittente car le ciel était chargé de nuages. Sahale et Nokomis cheminaient, pareils à deux âmes perdues. A cette altitude la végétation était basse et presque inexistante, l’élément minéral dominait le paysage. Aucun chemin n’avait été tracé si ce n’étaient les crevasses sinueuses que l’érosion avait creusées dans la roche. S’y coulaient d’épais glaciers aux reflets bleu clair, azurés, violets, verts, comme polis et transparents, qui renvoyaient la lumière diurne avec une espèce de constance irritante. Des névés, aussi, étalaient leur blancheur immaculée sur la noirceur austère de la pierre en un glaçage opalin.

Ils étaient rares, ceux qui se risquaient à affronter les dangers de ces montagnes funestes. L’altitude compliquait la respiration et la fatigue venait vite pour ne plus s’estomper. Le froid, véhiculé par un vent du Nord qui sifflait lugubrement contre les falaises, ralentissait la progression et limitait les temps de repos. La faune, habituée à ce milieu aux multiples contraintes, y était aussi particulièrement hostile ; et les rares êtres humains qui y rôdaient n’étaient pas moins redoutables. Les pentes, tantôt douces tantôt brutales, contraignaient les voyageurs à alterner entre la marche et l’escalade.

Sahale s’était pourtant arrangé pour qu’ils fussent dotés d’un équipement suffisant mais ni lui ni Nokomis n’étaient taillés pour affronter cette épreuve. Plusieurs fois déjà ils avaient cru leur dernière heure arrivée, manquant de tomber du haut d’une falaise à pic ou bien de finir dévorés sous les crocs acérés d’un fauve au pelage blafard. Toutefois ils respiraient encore. L’espoir ne les avait pas quittés. Ils fuyaient et avaient une foi indéfectible en eux-mêmes, ce qui leur fut probablement salvateur. Ils disparaissaient tous deux sous d’épaisses fourrures qui doublaient leurs vêtements et leurs bottes, habilement cousus et confectionnés pour ne pas entraver leurs mouvements durant l’ascension.

Quand est-ce qu’on arrive ?
Tu comptes continuer à me demander ça dix fois par jour, Nokomis ? Je t’ai déjà expliqué que nous n’avions aucune destination précise… On n’arrivera jamais nul part, mais chaque pas que tu fais t’éloignes un peu plus de ce que tu fuis.

Elle lui tira la langue. Cet instant de déconcentration lui valut un trébuchement. Elle parvint à retrouver l’équilibre avant la chute sous le regard attentif mais moqueur de son compagnon de route. Cela faisait désormais plusieurs mois qu’ils voyageaient ensemble et Sahale lui avait toujours été d’un grand secours, mais Nokomis se complaisait à faire preuve d’une certaine mauvaise foi et à le malmener cruellement. En retour, le jeune homme se gaussait d’elle dès que l’occasion se présentait.

Quand est-ce qu’on s’arrête un peu alors ? demanda-t-elle sur un ton piteux.
Dès qu’on trouve une grotte digne de ce nom.

Nokomis lâcha un long soupir de désespoir, mais elle continua à marcher avec une certaine vigueur. Au fond, elle faisait désormais entièrement confiance à Sahale. Ils poursuivirent leur escalade jusqu’à ce que toute verdure eut disparu. Entre les roches s’allongeait la masse ivoirine et poudreuse des neiges éternelles. Au bout de quelques minutes de marche à cette hauteur, le ciel devenu gris se mit à épancher une averse de flocons.

Il ne manquait plus que ça… râla Nokomis.

Il régnait à cette attitude un calme déboussolant. La neige étouffait les bruits, les rendant moelleux et assourdis. Il semblait que cet endroit n’avait jamais été foulé par une âme humaine et qu’il était resté comme vierge, pur, intouché. Alors qu’elle contemplait le paysage d’un oeil las et contrarié, un détail accrocha le regard de Nokomis. Il était là, gisant sur le sol, allongé dans la neige qui se gorgeait de son sang. Bravant toute prudence, la jeune femme se précipita vers la forme étendue avec une précipitation qui empêcha Sahale de la retenir.

Attends ! C’est dangereux !

Elle parvint cependant jusqu’au corps sans la moindre peine. Il s’agissait d’un homme de grande carrure, pourvu d’une armure endommagée sur laquelle se mariaient la fourrure et le métal. Sa barbe et chevelure, longue et garnie d’une tresse sur le côté droit, étaient d’un roux dont la teinte flamboyante jurait avec la blancheur environnante. Ses paupières étaient closes. Il n’y avait aucune trace de la plaie d’où s’écoulait le sang, ce qui laissait imaginer qu’elle se trouvait dans son dos. Auprès de son bras écarté, la lame de sa hache scintillait froidement. L’ensemble était à peine recouvert de neige, il témoignait d’un événement récent.

Nokomis s’était accroupie auprès de lui. Elle porta la main sur la joue du mourant et y sentit la chaleur de la vie. Sahale, qui venait de la rejoindre, cracha par terre tout en lorgnant sur la découverte de sa compagne.

C’est un sale chien de Vanir, il regarda subitement autour d’eux tout en glissant la main sur son arc avec une paranoïa qui n’était pas totalement illégitime, je me demande ce qui l’a tué, on ne devrait pas traîner ici.
Il est encore chaud, Sahale ! Nokomis inclina le buste pour presser son oreille contre le cou musculeux, et je crois bien qu’il respire encore… Penses-tu que nous pourrions le sauver ?

Sahale mit quelques secondes à analyser ce que la jeune femme venait de dire, abasourdi par une telle question. D’un coup il éclata d’un rire fort qui retentit au loin et que l’écho renvoya par deux fois.

Tu te fous de moi ? Pitié, dis-moi que c’est une blague… S’il était en état, ce type nous massacrerait tous les deux, Nokomis. En plus, ces connards sont contents quand ils crèvent. Alors laissons-le là, veux-tu, et tirons-nous avant que la chose qui est parvenue à mettre cette bête à terre ne revienne par ici !
Mais non ! Je peux le soigner. Si on l’aide, peut-être qu’après il nous aidera !

Sahale poussa un profond soupir. D’un geste brusque et imprévisible il arracha la jeune femme au corps étendu pour la projeter plus loin derrière. Elle se rattrapa maladroitement. Il dégaina sèchement son couteau de silex et égorgea le Vanir sans la moindre hésitation, dans un mouvement si adroit que précis. Lorsque la lame rencontra la chair fine de son gosier, l’homme ouvrit les paupières et poussa un râle d’agonie auquel répondirent les cris de protestation de Nokomis. Puis les lèvres se fermèrent et tout bruit s’éteignit pour laisser place à un silence sépulcral.

Elle se précipita à nouveau sur le corps et ses doigts gantés vinrent se presser contre la gorge ouverte. Le sang coulait sur la chair blanche en une multitude de ruisseaux abondants qui finissaient leur cours dans la neige, il tâcha le cuir pâle de ses gants de coulures écarlates.

Maintenant il faut partir, ordonna Sahale sur un ton autoritaire, tu ne peux plus rien pour lui. Tu n’as pas à avoir de regret, un jour tu me remercieras d’avoir pensé à nous avant tout.

Nokomis se releva lentement. La neige continuait de tomber sous forme de petits flocons lents et peu abondants. La mine hagarde, elle dévisagea l’homme une dernière fois. Il était mort avec les yeux ouverts.

Il avait les yeux bleus, dit-elle d’une voix tremblante, il avait les yeux bleus.
_________

Fragment IV :  L’eau de mer n’étanche pas la soif mais elle est la salive de la vie.

Pourquoi Wakanda pense-t-elle que tu peux me guérir ?

Akba-Atatdia était assis en tailleur sur l’amoncellement de fourrures dont avait été garni le sol rigoureux de la cavité où on l’avait mené après son entrevue avec la maîtresse des Mitakwen. Tout autour, d’épaisses bougies dont la cire cendreuse s’écoulait inlassablement sur le sol baignaient la grotte dans la lumière diffuse de leurs flammes titubantes. Leur clarté illuminait craintivement la créature qui se tenait face à lui et vers laquelle il avait relevé le visage.

Je ne sais pas, répondit-elle, c’est à nous de le découvrir ensemble.

Nokomis s’approcha à petits pas. Il en profita pour la détailler à nouveau du regard. Elle était à demie-nue, ce qui n’était pas indécent pour une Picte ; le chaman de l’Ours ne vit là aucune impudeur inappropriée. Ses cheveux tombaient sur sa poitrine en des ruisseaux noirs et soyeux, voilant en partie ses petits seins arrogants. Sa taille aux contours concaves offrait un captivant contraste avec l’ampleur harmonieuse de ses hanches et de ses cuisses rondes. Ses bras comme ses jambes étaient joliment fuselés, leurs attaches fines disparaissaient sous des babioles qui s’entrechoquaient à chaque mouvement. Elle s’accroupit face à lui et leurs regards se perdirent l’un dans l’autre. Elle se mit à parler en chuchotant.

On sort ? Il fait nuit. Le ciel est clair et la mer est calme. Moi, j’ai envie de sortir pour les voir.

Elle se releva, déployant son corps face à lui dans un étirement paresseux. Puis elle lui tendit sa main aux doigts effilés. Il la saisit. Leurs chairs respectives détonnaient par leur température extrême ; les unes étaient gelées, les autres brûlantes. Ils s’arrachèrent réciproquement un long frisson. Il se redressa à son tour. Elle l’entraîna en dehors des grottes, ignorant les regards hilares de ses compagnons qui s’étaient rassemblés à l’intérieur pour y passer la nuit. Ils s’éloignèrent de la falaise.

Le ciel dégagé exhibait généreusement sa voûte brune saturée d’étoiles, sur laquelle la lune formait un fin croissant luminescent. L’air était doux car le vent s’était tu pour laisser place à une brise caressante. Le sable irradiait sa fraîcheur contre la plante nue de leurs pieds. Nokomis ne marchait plus, elle trottinait vers la mer. Il ne remarqua pas le moment où sa main quitta la sienne, mais elle s’éloigna peu à peu de lui sans s’en préoccuper et il fut contraint de presser le pas. Elle ne disait rien : elle chantonnait, d’une voix trop basse pour qu’il pût comprendre les paroles de son fredonnement. Elle arriva au bord de l’eau et s’y arrêta pour laisser la mer lécher ses orteils.

C’est vrai que le vent te parle ?
C’est Jhebbal Sag qui me parle à travers le vent, expliqua le chaman sur un ton docte.
J’aime bien écouter le bruit du vent. Parfois c’est comme s’il chantait en passant dans les grottes… Mais je n’ai jamais compris ce qu’il avait à dire.
On dit que Wakanda le comprend, elle. Sais-tu si c’est vrai ?
Elle ne parle pas de ça, jamais, avec personne.

De ses deux mains, Nokomis fit glisser son pagne le long de ses jambes. Elle se pencha pour le saisir et le jeter plus loin, à l’abri de la marée. En silence, elle commença alors à s’avancer dans l’eau froide et sombre. Celle-ci emprisonna ses chevilles, puis ses mollets ; elle poursuivit l’avancée jusqu’à ce qu’elle lui pétrifie les cuisses de sa morsure glaciale. Elle se retourna vers Akba-Atatdia. Elle le gratifia d’un sourire candide.

Viens te baigner. Viens, si tu veux guérir.
Je ne vois pas en quoi cela me guérira !
C’est bien pour cela, elle rit, qu’il faut que tu viennes.

Il retira ses parures les unes après les autres, et se débarrassa de sa cape à tête d’ours. Puis, nu et impudique, il la rejoignit dans l’onde algide. Satisfaite, elle s’offrit davantage à la mer pour y abandonner l’intégralité de son corps. Elle poussa quelques petits cris piquants mais resta immergée, et se mit rapidement à rire. Il entra en silence. Elle braillait quand une vague la heurtait et riait aux éclats dès que l’écume s’éloignait d’elle. Elle était comme une enfant. Sans qu’il pût expliquer pourquoi cela réchauffa le coeur tourmenté du chaman, tandis que sa chair frémissait sous la froideur des eaux.

Tu es malheureux, dit finalement Nokomis tout en le rejoignant d’une brasse rapide, qu’est-ce qui te rend malheureux ?
Si je le savais j’y aurais remédié et je ne serais pas ici avec toi.
Tu n’étais pas heureux avant non plus. Qu’est-ce qui te rendait malheureux ?

Akba-Atatdia la dévisagea d’un oeil songeur. Il ne s’était jamais posé la question. Peu de Pictes se questionnaient à ce sujet. Survivre importait plus que d’être heureux. Il fallait avancer, sans se soucier vraiment de la direction à prendre. Cette créature là vivait. Elle ne se contentait pas de la survie. On lui avait appris à ne pas s’y résigner, à chercher plus loin ; son esprit agile s’était montré si favorable à ces injonctions qu’elle s’était mise en quête non pas simplement du plaisir mais également du bonheur.

Comme le chaman ne répondait rien, la jeune femme fit une petite moue déçue mais ne se laissa pas décourager pour autant. Elle réunit ses mains en coupelle et y récupéra un peu d’eau de mer qu’elle la porta à ses lèvres pour la boire avec une certaine délectation. Après cela, elle s’avança jusqu’à lui en fendant l’onde de son corps léger et réitéra la même opération, tendant vers lui la coupe de ses mains.

Bois.
Pourquoi boire de l’eau de mer ? J’aurai encore plus soif après l’avoir bue.
Ce n’est pas pour te désaltérer. C’est pour son goût. Elle a un goût de sel. Quand tu la bois et que tu sens le goût du sel dans ta bouche et sur ta langue, tu te sens vivant. C’est ce dont tu as besoin : te sentir vivant. Goûter le sel. Goûter la vie.

Alors il but l’eau salée. Il fut écoeuré par son arôme saumâtre mais il éprouva une forte émotion lorsque sa bouche rencontra la texture satinée des mains de Nokomis. Alors il en but encore une gorgée, puis une autre. Et il y prit goût. Il avait pris goût au sel ; il commença à prendre goût à la vie.
_________

Fragment V :  La bête ne perd pas sa vie à se démener pour ne pas être un homme.

Le ciel noir, dépourvu d’étoiles, laissait la blanche rondeur de la pleine lune esseulée ; elle inondait le bosquet sacré de son éclat diaphane. Le vent, aigre, balayait les bois d’une haleine placide, faisant chuinter les aiguilles des immenses séquoias et grincer leurs silhouettes vertigineuses. La forêt résonnait toute entière de sa rumeur confuse et ténue, musique dysharmonique qui se heurtait au flanc des collines pour tintinnabuler jusqu’au firmament.

Nokomis était allongée sur l’autel de pierre noire qui marquait le coeur du bosquet sacré.  Un rayon de lune l’éclairait, filtrant à travers l’ombre des hauts arbres grimaçants pour se croiser avec la lueur montante des bougies qui se consumaient au pied de l’autel. Elle était nue comme au premier jour, mais son corps avait été orné de nombreuses peintures rituelles qui traçaient de sibyllines arabesques sur sa peau uniforme. Sa chevelure défaite, sombre, s’étalait autour d’elle comme une couronne de nuit. Une respiration calme soulevait périodiquement sa poitrine nue. Elle avait sur le visage cette expression de sérénité étrange qui est celle de ceux qui dorment sans rêver.

Elle s’éveilla en douceur, ses paupières se soulevèrent et elle inspira une bouffée d’air nocturne. Elle mit quelques secondes à réaliser où elle se trouvait. Son regard embrumé trahissait la léthargie dans laquelle elle était plongée. Probablement lui avait-on fait ingérer quelque drogue qui embuait encore son esprit. Son corps, d’ailleurs, lui semblait comme engourdi et elle éprouva une certaine peine à se redresser sur le roc taillé faisant office d’autel.

Alors qu’elle promenait ses doigts contre la pierre glaciale, ils rencontrèrent le relief sec et gluant de nombreuses traces de sang, sinistres témoignages des sacrifices qui avaient été offerts ici au seigneur des bêtes. Au bout de quelques instants d’analyse flegmatique, la panique s’empara subitement d’elle. Elle avait compris. Elle s’arracha brutalement à l’autel. Ses pieds nus rencontrèrent le sol couvert d’ossements et d’offrandes de tous types. Les fleurs fraîches s’y mêlaient à la poussière de celles qui étaient mortes depuis longtemps et les bibelots sans importance cohabitaient avec les restes nécrosés de vies humaines et animales.

Cet amoncellement compliqua encore davantage sa vaine tentative de fuite. Chancelante, elle finit par perdre l’équilibre et s’effondra dans l’herbe tendre. Elle tenta de se remettre debout mais son corps cotonneux lui opposa une vive résistance. Elle lutta durant quelques instants, cherchant à user de tous ses membres pour pouvoir reprendre son échappée. Puis elle se résolut à admettre qu’elle était encore trop faible pour cette entreprise et s’efforça simplement de rassembler son corps afin de se tenir à genoux et de pouvoir surveiller les alentours.

Elle haussa le visage avec une indéfinissable impression. Quelque chose avait changé. C’était comme si toute la forêt s’était tue. Depuis sa chute, il régnait dans le bosquet un silence de mort. Elle-même retint son souffle par peur de troubler ce calme saisissant. Les larmes lui montèrent aux yeux et vinrent tremper ses iris bleus. Elle scruta autour d’elle. Les arbres lui semblaient se tordre dans une affreuse sarabande, noyés dans une brume légère qui s’était levée rapidement. Là-haut, un nuage noir voilait à moitié le disque parfait de la lune. Autour d’elle les flammes des bougies oscillaient violemment alors qu’aucun vent n’était plus perceptible.

Un souffle soudain et brutal lui hérissa la chair, il éteignit toutes les chandelles d’un seul coup. Elle poussa un cri, qu’elle fit taire d’elle-même en se plaquant la main sur la bouche. Elle releva les yeux vers le ciel. La lune avait disparu. L’obscurité était à la hauteur du silence, immenses tous deux comme la frayeur qui accéléra le pouls de Nokomis.

Pas de série pour le nombre un… commença-t-elle à réciter à voix basse pour focaliser son attention sur autre chose que l’effroi.

Deux yeux jaunes se mirent à scintiller dans les ténèbres sylvestres qui lui faisaient face.

… la Nécessité unique…

Ce regard, qu’elle se souvint avoir déjà croisé une fois par le passé et dont le souvenir était resté gravé dans sa mémoire pour avoir été suivi d’un événement traumatisant, la pétrifia totalement. Hallucinait-elle à cause de la drogue qu’on lui avait inoculée ?

… le Trépas…

Le son de sa voix fut de plus en plus ténu et son timbre tremblait avec une intensité croissante. Il s’avançait vers elle, fendant les ombres de son allure lente et confiante. Ce qu’elle éprouva à cet instant était difficile à décrire. La puissance de l’être qui venait à elle était si forte et si terrible qu’elle en était presque palpable, elle l’entourait comme une aura qui émanait de lui pour se projeter tout autour.

… père de la Douleur...

Elle se mit à sangloter. Implorer était vain, elle le savait déjà. Certaines choses devaient arriver, quoi qu’on fît. Ses doigts se crispèrent sur l’herbe humide de rosée, elle baissa le front pour ne plus le voir approcher.

… Rien avant…

Son buste s’affaissa vers l’avant et elle enfouit le visage contre le sol. Elle perçut le goût salé des larmes contre sa bouche et leur morsure timide contre la chair de ses joues. D’autres, à sa place, se seraient senties profondément honorées. Peut-être aurait-il été plus sage de s’accorder pour l’être, quelle que fût l’issue de cette rencontre, mais elle ne savait pas lutter contre ses émotions. Pourtant, à la pensée de tous ceux qui s’étaient sacrifiés pour éviter ce qui allait se produire, un courage subit lui empoigna le coeur.

Il était maintenant très proche, elle le sentait tout entier, presque déjà sur elle. Son souffle brûlant cavalait contre la peau transie de sa nuque fléchie. Elle releva le visage. Son regard rencontra celui de la bête. Ses pupilles acérées étaient pareilles à deux fragments d’obsidienne sertis dans de l’or en fusion.

… Rien de plus.
_________

Fragment VI :  Comblé, le besoin s’éteint ; satisfait, le désir s’attise.

Deux bœufs attelés à une coque…

Akba-Atatdia tourna le visage sur le côté pour regarder Nokomis, faisant reposer sa joue contre la fourrure blanche sur laquelle il était étendu. Elle-même gisait sur le dos, les reins naturellement creusés et le minois tourné vers le plafond de la cavité. Ils s’étaient détachés l’un de l’autre et une courte distance les séparait. Leur respiration et leur coeur s’étaient apaisés en quelques minutes ; depuis qu’ils avaient rompu leur étreinte elle s’était éloignée pour s’adonner à des rêveries solitaires qu’il n’osait troubler. Elle récitait quelque cantique à voix basse, faisant claquer sa salive sur la fin des mots. Wakanda l’avait vraisemblablement élevée dans un mysticisme ancien et païen dont le chaman ne savait lui-même que peu de choses. Cet épais mystère donnait à la créature un air spirituel et obsédant dont il ne parvenait à se détacher.

… ils tirent, ils vont expirer…

   Elle laissa retomber elle-même sa pommette sur le côté et ses prunelles bleues percutèrent le regard sombre d’Akba-Atatdia. Il tressaillit. Elle lui adressa un sourire tendre.

… voyez la merveille !

Le chaman ne parvint pas à lui rendre son sourire. Il éprouvait un trouble monstrueux. Il se sentait tétanisée face à elle ; cela sans parvenir à l’expliquer. Il avait forniqué avec un nombre incalculable de femmes, sans garder quelque souvenir précis de ces multiples étreintes pourtant jouissives. Et chaque fois, son besoin de chair s’était trouvé apaisé, le dépouillant alors de tout intérêt pour le corps utilisé afin de l’assouvir. Pourquoi était-ce différent cette fois-ci ? Et pourquoi en éprouvait-il à la fois une grande douleur et une forte exaltation ?

ll y a trois parties dans le monde…
Nokomis ?
Hm ?
Fais-tu souvent cela ?

Elle se redressa sur son coude pour le regarder d’un peu plus haut, les yeux plissés et une moue interrogative sur le visage.

Faire quoi ?
Ce que nous venons de faire.

Son rire d’enfant résonna dans les grottes. Elle se releva davantage pour s’asseoir face à lui, et étira la main afin de lui caresser délicatement l’épaule. Il frissonna sous l’effleurement subtil de ses doigts fins à la chair tiède.

Je le fais quand Wakanda me le demande, lâcha-t-elle avant d’ajouter sur un ton espiègle, et quand j’ai envie, aussi, parfois.

Il lui saisit le poignet avec une certaine ardeur et l’attira brutalement à lui. Elle ne résista pas. Leurs corps se percutèrent mollement ; il passa une main derrière sa nuque pour la glisser dans ses cheveux et cala l’autre dans le creux des reins afin de l’emprisonner contre lui. La peau sensible de leur aine se joignit et il entrelaça ses jambes aux siennes. Là, captive de ses bras, Nokomis lui parut soudain si fragile. Il éprouva la forte sensation qu’une étreinte un peu trop intense eût suffi à la briser totalement. Pourtant, elle n’en était pas moins toute puissante, tyran de cristal dont un seul mot ou un seul geste, une seule larme ou un seul rire pouvaient être tant supplices que délices.

T’a-t-elle demandé de le faire avec moi ? Sa voix tremblait, comme si de la réponse à cette question dépendait sa vie.
Non.

Il empoigna sa chevelure pour lui incliner le visage vers l’arrière et lui baiser les lèvres avec cette fougue violente que donnent les passions excessives. Il y retrouva le goût de sel qui couvrait toute la peau de Nokomis, résultat logique de sa baignade dans la mer quelques heures auparavant. Lorsque leurs bouches se détachèrent et que leurs souffles brûlants s’entremêlèrent, Akba-Atatdia souriait enfin. Ses doigts relâchèrent leur emprise sur les cheveux de la créature pour y prodiguer de douces caresses.

Elle n’avait rien fait naître en lui ; c’était bien pire. Elle avait réveillé une aspiration profonde, enfouie dans les tréfonds de son âme, et l’avait satisfaite si tôt qu’elle l’avait ranimée. Il tendait tout entier vers elle. Elle avait galvanisé chaque parcelle de son corps et chaque fragment de son esprit. Le pire était qu’elle n’avait rien entrepris en ce sens, se contentant d’être telle que le monde l’avait faite. Ses mains se rejoignirent sur les hanches de la jeune femme, la première descendant dans son dos en un effleurement flâneur jusqu’à rejoindre la seconde qui était restée tout ce temps arrimée à ses lombes.

En as-tu encore besoin ?

Il pressa les lèvres dans son cou, l’huma longuement pour s’enivrer encore de son parfum océanique, remonta le visage avant de lui couvrir les joues et la bouche de baisers prolongés.

Non, répondit-il dans un murmure douloureux, mais j’en ai terriblement envie.
_________

Fragment VII :  Le choix de la fuite n’est pas toujours le moins courageux.

L’après-midi touchait à sa fin dans la désolation picte septentrionale. Le ciel, pas encore crépusculaire, n’était déjà plus diurne ; le bleu et l’ocre s’y mélangeaient sous la forme de confuses nuances d’or et d’azur. Nokomis et Sahale cheminaient vers l’Eiglophie, désireux de fuir les terres pictes par le Nord avant que l’hiver ne rendît le passage impossible. Ils avaient déjà quitté les hautes forêts vierges pour arpenter les territoires vallonnés qui précédaient le relief escarpé des montagnes. Les sapins y cotoyaient les hêtres, formant des bois épais offrant quelques rares clairières.

Ils foulaient toujours le territoire du clan de l’Ours mais étaient jusqu’ici parvenus à esquiver les quelques campements que leur chemin avait croisés. Ayant tous deux fortement conscience de l’urgence de la situation, ils s’efforçaient de ne courir aucun risque inutile, quand bien même l'insouciance de Nokomis les mettait parfois en péril contre sa volonté. Sahale n’avait de cesse d’être surpris par l’attitude de la jeune femme, qu’il trouvait à la fois déraisonnable et égayante. Elle avait cette capacité de s’émerveiller ou de s’offusquer d’un rien ; le monde semblait être pour elle un intarissable spectacle. C’était à la fois épuisant et euphorisant pour ceux qui la fréquentaient.

Oh regarde !

Sahale roula des yeux, se demandant sur quelle fourmi ou quel scarabée la jeune femme allait encore s’extasier. Cette fois-ci, pourtant, la découverte présentait un intérêt certain. Alors qu’il se tournait vers elle, il découvrit qu’elle tenait entre ses mains un bouclier de peau tannée. Il était orné de plumes blanches, de morceaux de fourrures et de crocs d’animaux. Surtout, ce qui attira aussitôt le regard de Sahale fut le motif qui était peint sur le cuir tendu : un loup. L’objet était plutôt en bon état, mais la jeune femme l’avait extirpé depuis les tréfonds d’un tas de feuilles et il était fort possible qu’il fût en ce lieu depuis des lustres. Elle le tendit à son compagnon avec un grand sourire ravi.

Je te l’offre, j’sais pas m’en servir moi !
Oh euh… Merci.

Il récupéra l’objet pour l’inspecter avec curiosité, le faisant tourner entre ses mains pour l’examiner sous tous les angles. Il passa sa paume nue sur la surface lisse mais un peu terreuse de la peau tendue.

Cela appartenait à un Picte du Loup. C’est étrange, commenta-t-il, car nous sommes assez loin du territoire de ce clan… Je me demande pourquoi il est venu jusqu’ici. Peut-être était-il en fuite…
En fuite comme nous ?

Il acquiesça avec un léger sourire, accrochant le bouclier à son bras. Après cela, ils reprirent la marche à travers la forêt. Ils effectuèrent quelques pas en silence, durant lesquels ils écoutèrent respectivement la mélopée tranquille des sous-bois, plongés dans d’égales rêveries sur l’origine et l’histoire du bouclier et sur leur propre situation. Puis, au terme de quelques instants, Sahale se décida à poser la question qui le taraudait. Sa voix couvrit momentanément le pépiement incessant des oiseaux alentours.

D’ailleurs, pourquoi as-tu choisi de fuir, Nokomis ? Dormir dans un des bosquets sacrés est un honneur, non ?

Tout en poursuivant son avancée, la jeune femme tourna le visage vers lui et rétorqua sur un ton sec qu’elle n’employait que rarement, irritée par cette question.

Pourquoi as-tu choisi de m’accompagner, Sahale ? Satisfaire la volonté de Jhebbal Sag est une nécessité, non ? Pourquoi n’obéis-tu pas à ton chaman ?

Il lui jeta une oeillade confuse avant de reporter son attention sur leur cheminement à travers les bois. Cette question méritait effectivement d’être posée. Il avait pris sa décision sur un coup de tête, mais c’était parce qu’il avait eu le sentiment d’avoir attendu cela toute sa vie. Sahale rêvait d’aventures ; son existence dans la désolation picte, même si elle était périlleuse et riche en dangers, ne lui apportait pas l’épopée à laquelle il aspirait. Il avait ce besoin viscéral d’une cause à défendre, quand bien même cela impliquait d’avoir le monde entier contre lui.

Est-il vrai que tu couchais avec le chaman de l’Ours ?
Oui.

Elle ne le regardait pas, marchant avec les yeux fixés sur un point invisible en face d’elle.

Pourquoi veut-il quand même te livrer contre ton gré, alors ?
Qui irait s’opposer à la volonté de Jhebbal Sag ?

Il lui saisit brusquement le poignet pour l’arrêter dans son avancée et la faire pivoter vers lui. Sa chevelure et sa tunique bruissèrent tout en suivant le mouvement circulaire imposé par la pirouette. Il plongea son regard de jais dans les yeux bleus de la jeune femme et lui adressa un sourire confiant.

Nous, par exemple.

Elle rit gaiement avant de se détourner de lui, échappant à son emprise avec l’aisance et la vélocité d’un courant d’air. Elle trottina quelques pas plus loin puis reprit sur un ton ravi.

Nous, c’est vrai. Crois-tu que c’est orgueilleux de notre part ?
Je ne crois pas, non, Nokomis. Je pense que c’est courageux.
_________

Fragment VIII : Seuls les rêves peuvent soulager un temps la Bête dévorante.
   
C’était une nuit d’été. L’atmosphère était délicieusement fraîche, l’air chargé de lucioles dégageait une douce tiédeur. La lune blanche dévorait la voûte céleste de son orbe nitescent. Les belles de nuit parfumaient les sous-bois de leur exhalaison entêtante. Une brise timorée berçait la végétation, la faisant frissonner de ses suaves caresses. Le rhapsodie grinçante de quelques oiseaux de nuit rompait régulièrement le silence, mêlée au babillement lointain des eaux d’une source palpitant contre les rochers d’où elles jaillissaient.

Nokomis déambulait dans la forêt, flânant pour profiter de la nuit. En ce lieu elle n’avait pas peur de la pénombre qu’elle redoutait tant dans les endroits inconnus. Ici, elle l’avait apprivoisée depuis longtemps. Elle s’y repérait sans peine et baguenauder pendant la sorgue la soignait de l’intensité du jour. La nuit avait cela de réconfortant que les sensations y étaient agréablement feutrées et atténuées. Elle chantonnait d’ailleurs à voix basse, dans un souffle ténu mais harmonieux et maîtrisé.

ll y a trois parties dans le monde : trois commencements et trois fins, pour l’homme comme pour le chêne...

Ses doigts nus frôlèrent l’écorce épaisse d’un arbre auprès duquel elle passa. Son esprit était chargé d’anxiété et son coeur lourd de soucis. Au campement régnait une tension dont elle savait être la cause et elle en éprouvait une culpabilité cuisante.

…Trois royaumes oubliés, pleins de fruits d’or, de fleurs brillantes...

Elle s'interrompit soudain car un détail inhabituel venait d’accrocher son regard. Un groupe de corbeaux s’était posé sur une branche non loin, en face d’elle. Ils la fixaient tous de leurs yeux livides. De cette inquiétante colonie s’échappaient de sinistres croassements. Etrangement, elle ne les avait pas vus ni entendus arriver, ce qui paraissait hallucinant puisqu’ils étaient plus d’une dizaine.

Nokomis cessa son avancée durant quelques instants, interloquée. Il s’agissait sans nul doute d’un présage, et pour une Picte originaire du clan du Corbeau il n’était pas nécessairement de mauvais augure… Cela n’en était pas moins déconcertant. Elle resta immobile jusqu’à ce que les volatiles, sans raison apparente, déployassent toute l’envergure de leurs ailes pour s’envoler. Leurs ombres se perdirent sans tarder dans le ciel nocturne.

Nokomis hésita à rebrousser chemin, mais elle avait besoin de cette vadrouille nocturne pour se remettre les idées en place et elle poursuivit donc sa route. Elle garda désormais le silence. Au terme d’une courte marche, elle parvint à la source qu’elle cherchait. L’eau pure jaillissait depuis les ténèbres d’une cavité en hauteur pour cascader sur les reliefs moussus d’un amas de pierre avant de précipiter ses écumes sur la surface lisse d’un réservoir naturel en contrebas.

Arrivée sur place, elle se débarrassa des quelques frusques qui la vêtaient pour s’immerger toute entière dans les eaux froides où elle nagea. L’onde n’était guère profonde et elle avait pied partout, mais cela n’en était pas moins suffisant pour maintenir son corps parallèle à la surface. Au bout de quelques instants, sa baignade fut perturbée par un craquement de branche. Cherchant en direction du bruit, son regard se posa sur l’ombre menaçante d’un Picte qui s’avançait vers elle. Ses pupilles glissèrent jusqu’à ses affaires abandonnées sur la rive. Elle n’avait pas le temps de les récupérer.

Quelle stupidité de sortir seule la nuit, petite Mitakwen… Les tiens devraient apprendre à ne pas laisser traîner leurs femelles seules dans la forêt…

Il était armé d’une lance qu’il planta dans la terre meuble aux abords du point d’eau. Il regarda la fille nue qui se tenait face à lui, le corps en partie plongé dans l’eau claire. Les femmes étaient précieuses chez les Pictes et celle-ci lui paraissait particulièrement désirable.

Viens par là et sois gentille, veux-tu ?

Elle ne bougea pas, elle ne dit rien. Elle était tétanisée. Elle sentait autre chose. Autre chose qui l’effrayait bien plus que cette brute sortie de nul part. Elle le fixait intensément, le souffle court, dégoulinante. Elle peinait à distinguer les traits de son visage, à cause de la pénombre, et il n’y avait sur lui aucun détail particulier susceptible de s’inscrire dans la mémoire de la jeune femme. Elle ne parvint pas à identifier quel totem il arborait, mais puisqu’ils se trouvaient dans le territoire de l’Ours, il s’agissait probablement d’un Picte issu de ce clan. Il était fortement tatoué et vêtu de fourrure et de peaux, agrémentées d’ossements et de plumes. Ses cheveux, rasés sur un côté, retombaient sur l’épaule opposée en quelques tresses noires et sales.

Depuis les ténèbres, la bête bondit sur lui. Il ne lui fallut qu’un coup de griffe pour l’éventrer. Le corps du Picte retomba mollement sur la rive. Son sang, écarlate, s’écoula lentement pour se mêler à la surface miroitante de l’eau. La bête releva ses yeux jaunes vers Nokomis qui gardait toujours le silence. L’effroi la consumait intégralement. Pourtant, elle avait cette étrange intuition qui lui dictait que la bête ne ferait rien. Elle éprouvait, en même temps, une indicible impression de la puissance qui émanait de la créature. Cela dépassait l’entendement.

Alors elle s’avança à travers l’eau, jusqu’à la bête. Cette dernière n’accordait plus aucune attention au cadavre démantibulé qui gisait à ses pieds. Il n’avait été qu’un obstacle à surmonter, pas même une proie. Nokomis n’aurait su expliquer par quelle force elle se mouvait jusqu’au monstre, peut-être même que ce mouvement était dû à quelque impulsion magique dont elle n’avait pas l’initiative. Quoi qu’il en fût, elle parvint jusqu’à la rive et extirpa son corps dégoulinant hors de la source. La bête était immense. Sa posture n’était pas menaçante.

Nokomis avança la main vers la fourrure sombre de la créature. Lorsque ses doigts parvinrent à l’effleurer elle lui sembla fondre sous leur pression, comme si elle se résorbait ou se liquéfiait. Etait-ce encore une bête ? Il lui parut être devenu un homme durant quelques secondes. Puis elle se sentit basculer vers l’arrière, comme tirée par quelque force inexplicable, ramenée violemment dans l’eau qui la happa.

Lorsqu’elle se réveilla, le lendemain à l’aube, elle gisait nue au bord de la source. Elle était indemne. Ses paupières s’ouvrirent sur le ciel clair dans lequel planaient les ombres volatiles des corbeaux. La dépouille du Picte mort ne reposait plus à ses côtés. Tout cela avait-il seulement été réel ?
_________

Fragment IX : La lueur d’une seule chandelle balaie les ténèbres les plus opaques.

Que vois-tu dans ces visions qui te hantent ?

Nokomis, silencieuse, tira la fourrure qui traînait auprès d’elle pour la ramener sur ses genoux. Son regard distrait s’égara sur les flammes crépitant au-dessus du foyer qui trônait au coeur de la tente, propageant sa chaleur dans l’abri en de ferventes palpitations. Wakanda se tenait assise devant le feu, fixant intensément l’homme qu’elle avait fait s’installer en face. Il s’agissait d’un Picte du Corbeau comme en témoignait la quantité impressionnante de plumes noires qui émaillaient ses vêtements de cuir. Il s’était annoncé sous le nom de Langundo -celui qui est paisible- ce que Nokomis trouvait assez ironique au regard des tourments dont il prétendait être affligé.

Des corbeaux, répondit-il d’une voix qui tremblait sous l’effet de l’épouvante, des corbeaux par dizaine qui me rongent les entrailles alors que je respire encore. Je les vois toutes les nuits ; et le jour j’entends leur croassements résonner dans ma tête alors qu’ils ne sont pas là.
Tu es venu jusqu’à moi parce que tu sais que si tu en parles aux tiens, ils t’offriront en sacrifice à Jhil.

L’homme opina. La peur se lisait aisément sur les traits de son visage. Il avait parcouru un long chemin pour venir jusqu’à la vieille femme puisque les Mitakwen campaient alors dans le territoire du Lion, bien au-delà des sources du Fleuve Noir. Cela représentait un long périple, semé d’embûches, d’autant plus pour un homme seul victime d’une malédiction. En l’observant plus en détail, Nokomis en était venue à la conclusion qu’il s’agissait certainement d’un grand guerrier tant que d’un homme avisé.

Penses-tu que c’est là la volonté de Jhil, Wakanda ?
Non.

Langundo sembla soulagé.

Je pense que tu es victime d’une malédiction.

Wakanda se leva. Ses gestes étaient lents et chaque mouvement lui semblait douloureux, pourtant elle se mouvait avec une sorte de grâce aérienne qui lui était propre et que Nokomis avait toujours admirée.

Je peux t’aider à la conjurer, mais avant toute chose…

Elle se dirigea vers un tas de caisses, empilées dans l’un des recoins de la tente, et se pencha pour y fouiller longuement.

… Tu dois être bien conscient que tout dépendra principalement de ta volonté.

Après de longs instants de recherche, elle finit par exhumer un petit sachet dont le haut était maintenu fermé par un lien blanc. Elle revint auprès du feu, le sachet à la main.

Beaucoup imaginent que la magie seule suffit à vaincre une malédiction. Ils se trompent. Les malédictions s’enroulent autour de l’esprit et s’y enracinent. Le mal qu’une malédiction instille en toi, toi seul peut le combattre. Mon rôle est simplement de t’armer pour mener ce combat, Langundo du Corbeau.

Le Picte la regardait d’un air sidéré. La réponse apportée par la vieille femme n’était probablement pas celle qu’il attendait. Tous espéraient des miracles ; elle n’en faisait pas. Elle faisait mieux, elle les amenait à devenir les auteurs de leurs propres miracles. Certains restaient éternellement déçus et d’autres comprenaient longtemps après, mais rares étaient ceux qui appréciaient ce talent à sa juste valeur dans l’immédiat.

La vieille femme tendit le sachet à Langundo, étirant son bras frêle au-dessus des flammes du feu de camp. Il le récupéra avec précaution, comme s’il s’agissait d’un trésor précieux. Ce serait en fait l’unique et infime espoir matériel auquel il pouvait alors se raccrocher.

Fais infuser une pincée de ce mélange d’herbes une fois par jour et bois l’infusion, recommanda Wakanda, cela t’aidera à lutter, en contenant le mal. Tu peux rester parmi nous jusqu’à ta guérison, après il te faudra partir.

Le ton était assez ferme pour ne tolérer aucune négociation. D’un hochement de tête, elle lui fit comprendre qu’il pouvait se retirer. Il se leva et quitta la tente en emportant le sachet d’herbes. Wakanda referma les peaux derrière lui. Lorsqu’elle se retourna vers l’intérieur, ses prunelles sombres vrillèrent sur Nokomis qui n’avait pas bougé.

Penses-tu qu’il s’en sortira ? demanda l’enfant sur un ton parfaitement neutre.
Je l’ignore, mon petit oiseau. Cela fait longtemps que la lueur s’est éteinte en lui. Elle s’est éteinte bien avant qu’il soit affligé par cette malédiction.
Quelle lueur ?

Wakanda esquissa un sourire torve. Elle traversa la tente pour rejoindre la jeune femme et l’invita à se relever pour lui faire face. Nokomis s’exécuta docilement. La vieille femme glissa sa main contre le sein gauche de l’enfant, la posant sans exercer la moindre pression.

Cette petite lueur, là, que nous avons tous au premier jour mais que la plupart perdent si tôt… A elle seule, elle a plus de magie que tous les chamans réunis. Après tout, il ne faut rien de plus qu’une seule étincelle pour dissiper la nuit la plus sombre.
Mais la nuit finit toujours par gagner, rétorqua Nokomis, le souffle de la mort parvient forcément à éteindre cette petite lueur.
C’est très juste, mon petit oiseau. Seulement, s’efforcer de maintenir la lumière de cette flamme en toi, c’est la seule manière de vivre réellement.

Nokomis appuya ses doigts tièdes contre la main fripée. Le moelleux de sa chair rencontra la raideur osseuse de Wakanda.

Elle brille encore en moi, hein ?

Un sourire tendre s’esquissa sur le visage de la vieille femme.

Je n’ai jamais vu lueur aussi chatoyante, Nokomis.
_________
... Suite à venir...
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